Dernière modification de l’article le 13 février 2025 par Admin

Élèves dans une salle de classe face à leur instituteur
 

Imaginez un élève en train de corriger son contrôle. Il a réussi neuf réponses sur dix.
Mais où se focalise immédiatement son regard ? Sur l’erreur.

Au lieu de se réjouir de ses réussites, il rumine sa faute, se sent frustré, voire nul.
Et ce n’est pas un cas isolé.

Dans les exercices, les évaluations, les examens… ce même réflexe se répète.
Les élèves accordent beaucoup plus d’importance aux erreurs qu’aux réussites, comme si leurs progrès passaient inaperçus.

Pourquoi cette tendance à l’auto-sabotage ?
Pourquoi un seul échec semble-t-il annuler tous les efforts fournis ?

On pourrait croire que cela vient d’un manque de confiance en soi, ou d’un trait de personnalité.
Mais en réalité, ce n’est pas un problème individuel.

C’est un mécanisme biologique, ancré dans le cerveau humain : le biais cognitif de négativité.

Article et texte écrits par Jean-François MICHEL Auteur « Les 7 profils d’apprentissage » Éditions Eyrolles 2005, 2013, 2019 et 2024

 

 

Pourquoi un élève peut-il se souvenir d’une critique reçue en primaire… mais oublier les dizaines de félicitations qu’il a reçues depuis ?

Le cerveau humain fonctionne comme un détecteur de fumée ultra-sensible.
Son objectif principal n’est pas de nous rendre heureux.
Son job ? Nous protéger du danger.

Pendant des millénaires, repérer une menace avant qu’elle ne frappe était une question de vie ou de mort.
Dans la savane, ignorer un bruissement suspect dans les hautes herbes pouvait signifier une attaque de prédateur.
Un humain qui se concentrait sur les dangers avait plus de chances de survivre qu’un optimiste insouciant.

Aujourd’hui, il n’y a plus de tigres à dents de sabre dans nos salles de classe.
Mais notre cerveau fonctionne toujours comme s’il y en avait.
C’est là qu’intervient le biais de négativité : il pousse l’élève à se focaliser sur l’échec plutôt que sur ses réussites. [1]

Quand un élève échoue à une question, son cerveau traite cela comme une alerte rouge.
« Tu t’es trompé. Tu n’es pas à la hauteur. Attention, danger ! »

L’échec scolaire active la même zone du cerveau que la douleur physique.
Autrement dit, rater un exercice, c’est comme recevoir un coup.

C’est pourquoi :


Un élève retient mieux une critique qu’un compliment.
Un devoir avec une note moyenne l’impacte plus qu’un devoir où il a bien réussi.
Une remarque négative d’un professeur ou d’un parent peut rester gravée pendant des années.

La réussite, elle, ne déclenche aucune alarme.
Elle ne représente aucun danger, donc le cerveau ne l’enregistre pas autant.

 

 

L’échec scolaire active les mêmes circuits que la douleur physique

Le cerveau humain ne fait pas de différence entre une blessure physique et une blessure émotionnelle.
Les neurosciences ont démontré que l’insula et le cortex cingulaire antérieur, deux zones du cerveau associées à la douleur physique, s’activent aussi lors d’une humiliation, d’un rejet ou d’un échec. [2] et [3]

Autrement dit :
Rater un exercice en public, c’est ressentir une souffrance similaire à une blessure physique.
Recevoir une critique devant la classe, c’est comme se cogner violemment dans une table.

C’est pourquoi un élève qui échoue peut avoir une réaction émotionnelle disproportionnée :
Certains se ferment complètement et ne veulent plus essayer, ce qui nuit à leur motivation scolaire.
D’autres deviennent agressifs ou cherchent des excuses (« De toute façon, c’est nul ce qu’on fait ») pour éviter la douleur.
D’autres encore développent une peur chronique de l’échec scolaire, et finissent par ne plus prendre aucun risque.

L’échec scolaire, en lui-même, n’est pas le problème.
Le problème, c’est la façon dont notre cerveau le perçoit sous l’effet du biais de négativité.

 

Comment contourner ce mécanisme en classe ?

Si le cerveau retient mieux l’échec scolaire que la réussite, alors l’enjeu est simple :
Nous devons rendre la réussite aussi marquante que l’échec.

Le but ?


Faire en sorte que les élèves ressentent un impact émotionnel positif quand ils progressent, afin de booster leur motivation scolaire.
Transformer leur perception de l’échec, pour qu’ils le voient comme une étape et non une condamnation.

 

 

Voici 4 stratégies concrètes pour y parvenir

 

1 Rendre les réussites visibles et marquantes

L’un des plus grands obstacles à la motivation scolaire, c’est l’invisibilité des réussites.
Pourquoi un élève se souvient-il davantage de ses erreurs que de ses progrès ?
Parce que l’échec scolaire, l’erreur déclenchent une alerte dans son cerveau, alors que la réussite passe souvent inaperçue.

Si on veut que les élèves aient plus de confiance en soi, il faut donner du poids émotionnel à leurs victoires.
Un élève ne progressera pas en accumulant les réussites.
Il progressera si son cerveau reconnaît et valorise ces réussites.

L’astuce ? Faire en sorte que chaque progrès laisse une empreinte durable.

 

À éviter :
« Voyons ce qui ne va pas dans ton exercice. »
« Tu as fait des erreurs, on va les corriger. »

✔️ À dire à la place :
« Regarde tout ce que tu as bien fait avant qu’on analyse ce qui peut être amélioré. »
« Trouve trois éléments que tu as bien compris avant qu’on regarde la suite. »
« Dis-moi une chose dont tu es fier dans ton travail. »

Pourquoi ça marche ?
Parce que l’élève apprend à valoriser ce qui fonctionne, et pas seulement ce qui cloche.

 

2. Quand un élève fait une erreur : reformuler pour ne pas activer la peur de l’échec

Un élève peut réussir une évaluation, comprendre un concept, améliorer sa méthodologie
… et ne pas s’en rendre compte.

Pourquoi ?

Parce que son cerveau ne met pas naturellement l’accent sur ses réussites.
La motivation scolaire s’effondre quand un élève n’a pas conscience de ses progrès.

Si on veut renforcer la confiance en soi chez l’élève, il faut lui apprendre à verbaliser ses réussites.

Pourquoi c’est important ?
Le cerveau enregistre mieux une information qu’il exprime à voix haute ou à l’écrit.
Si un élève ne dit pas ce qu’il a appris, son cerveau ne le mémorise pas pleinement.
Plus un élève répète ses progrès, plus il se conditionne à voir ses réussites.

 

À éviter :
« Non, ce n’est pas ça. »
« Tu t’es trompé. »
« Faux, essaye encore. »

✔️ À dire à la place :
« C’est intéressant, je vois où tu veux en venir. Qu’est-ce que tu pourrais ajuster ? »
« Tu es sur la bonne piste ! Qu’est-ce qui pourrait manquer ? »
« C’est une erreur courante, et tu vas voir qu’elle va t’aider à mieux comprendre. »
« Ça, c’est une belle erreur d’apprentissage ! »

Pourquoi ça marche ?
Parce que l’élève ne voit plus l’erreur comme un échec, mais comme une opportunité.

 

3. Pour féliciter un élève : valoriser le processus, pas juste le résultat

La façon dont un enseignant félicite un élève a un impact direct sur sa motivation scolaire et sa confiance en soi.

Lorsqu’un élève réussit, notre réflexe naturel est souvent de dire :
« Bravo, tu es intelligent(e) ! »
« Tu es doué(e) pour les maths ! »
« C’est bien, tu es un bon élève ! »

Mais ces félicitations posent un problème : elles valorisent un état statique, pas un effort ou un apprentissage.

Pourquoi c’est problématique ?
L’élève pense que sa réussite dépend d’une capacité innée.
Il risque de ne plus oser prendre de risques, par peur de ne plus être « intelligent ».
Il ne comprend pas ce qui a conduit à son succès et ne sait pas comment le reproduire.

La solution ? Féliciter le processus, pas juste le résultat.

C’est l’effort, la stratégie et la persévérance qui font progresser un élève, pas un talent inné.

Le cerveau doit apprendre que le succès est une conséquence du travail, pas un don.

a. Souligner la persévérance et la progression

À éviter :
« Bravo, tu as eu 20/20 ! »
« Super, tu es un génie en maths ! »

✔️ À dire à la place :
« Je vois que tu as pris ton temps pour bien comprendre, et ça a payé ! »
« Tu as beaucoup pratiqué et ça se voit, ton raisonnement est plus fluide. »
« Tu as essayé plusieurs méthodes avant de trouver la bonne, c’est ça la vraie intelligence ! »

 

À éviter :
« Tu es naturellement bon en français. »
« Tu as compris du premier coup, trop facile pour toi ! »

✔️ À dire à la place :
« Tu t’es accroché(e) même quand c’était difficile, et tu as réussi ! »
« Rappelle-toi d’où tu partais au début de l’année, tu as fait un énorme progrès ! »
« C’est en t’entraînant que tu as gagné en aisance, continue comme ça ! »

 

✅ b. Insister sur la stratégie et la méthodologie

À éviter :
« Tu as eu la bonne réponse, parfait ! »
« C’était facile pour toi, non ? »

✔️ À dire à la place :
« Comment as-tu fait pour arriver à cette réponse ? »
« Tu as utilisé une excellente méthode, explique-nous ! »
« Tu as bien découpé le problème en plusieurs étapes, c’est une super approche. »

 

c. Transformer une erreur en levier d’apprentissage

À éviter :
« Dommage, tu as fait une erreur. »
« C’est presque ça, mais il y a une faute. »

✔️ À dire à la place :
« Cette erreur est intéressante, elle va nous aider à mieux comprendre. »
« Je suis content(e) que tu aies tenté cette approche, même si ce n’est pas encore parfait. »
« Tu es sur la bonne voie, qu’est-ce qui pourrait améliorer encore ta réponse ? »

 

✅ d. Encourager le goût du défi et du progrès

À éviter :
« Tu as fini le plus vite, c’est bien ! »
« Tu as eu tout bon sans forcer, tu es trop fort(e) ! »

✔️ À dire à la place :
« Tu as choisi un exercice difficile, bravo d’avoir relevé le défi ! »
« Tu aurais pu prendre un sujet plus simple, mais tu as osé essayer un plus dur, j’aime cette attitude ! »
« Tu as pris des risques dans ton raisonnement et c’est comme ça qu’on apprend. »

 

4. Pour renforcer la confiance en soi : faire verbaliser la réussite par l’élève

La confiance en soi chez l’élève ne vient pas seulement de l’extérieur, elle se construit de l’intérieur.

Un élève peut entendre des dizaines de compliments sans jamais vraiment les intégrer.
Pourquoi ?
Parce que son cerveau ne retient que ce qu’il verbalise lui-même.

Si l’élève ne reconnaît pas sa propre progression, il aura toujours l’impression de ne pas avancer.
Le cerveau enregistre mieux une information qu’il exprime à voix haute ou à l’écrit.
Plus un élève répète ses progrès, plus il se conditionne à voir ses réussites.

L’astuce ? Faire parler l’élève sur ses propres réussites pour qu’il en prenne conscience.

Un élève qui ne sait pas reconnaître ses réussites aura toujours l’impression de ne pas être à la hauteur.
L’objectif est donc de lui poser des questions précises pour l’amener à prendre conscience de ses progrès.

Voici 6 techniques concrètes pour faire verbaliser la réussite

 

a. Lui poser des questions pour qu’il réalise sa progression

Si l’élève ne dit rien, son cerveau oublie ses progrès.

Ce qu’un élève exprime, son cerveau l’intègre comme une vérité.

À poser en fin de cours :

✔️ « Qu’est-ce que tu sais faire aujourd’hui que tu ne savais pas faire hier ? »
✔️ « Quelle a été ta plus grande avancée cette semaine ? »
✔️ « Quel est ton petit succès du jour ? »
✔️ « Sur quoi as-tu progressé dernièrement ? »

Avant de commencer un nouvel exercice :

« Rappelle-toi la dernière fois où tu as fait ce type d’exercice. Qu’est-ce qui est plus facile pour toi maintenant ? »
« Comment te sens-tu par rapport à ce sujet par rapport à la semaine dernière ? »

 

b. Utiliser un rituel de « victoire du jour »

Chaque fin de journée, faites un tour de table où chaque élève partage une réussite.
Variante : Demandez-leur d’écrire leur succès sur un carnet personnel ou de l’afficher sur un « mur des progrès ».

Exemples de questions pour guider les élèves :
✔️ « Quelle est la chose dont tu es le plus fier aujourd’hui ? »
✔️ « Qu’est-ce que tu as réussi à faire alors que tu pensais que c’était difficile ? »
✔️ « Quelle erreur t’a permis de progresser aujourd’hui ? »

Pourquoi ça marche ?
Parce que répéter une réussite renforce l’image positive de soi.
Parce que ce qui est écrit ou dit à voix haute devient plus marquant dans la mémoire.

 

c. Demander à l’élève d’expliquer sa réussite à un autre

Quand un élève explique ce qu’il a appris à quelqu’un d’autre, il consolide sa confiance en lui.

Exercice simple :
Après un exercice réussi, demandez à un élève : « Comment as-tu fait ? Peux-tu l’expliquer à ton voisin ? »
Après une amélioration : « Tu as progressé, peux-tu nous dire ce qui a changé dans ta méthode ? »

Pourquoi ça marche ?
Parce que transmettre un savoir renforce la sensation de compétence.
Parce que le cerveau encode mieux une information lorsqu’on l’explique à quelqu’un d’autre.

 

e. Lui faire comparer son niveau d’aujourd’hui avec celui d’avant

Un élève a souvent l’impression de ne pas progresser, car il se compare aux autres au lieu de se comparer à lui-même.

Demandez-lui de comparer son niveau actuel à une période antérieure :
« Regarde ton premier devoir et celui d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui a changé ? »
✔️ « Reprends un ancien exercice : que trouves-tu plus facile maintenant ? »
✔️ « Si tu pouvais remonter dans le temps et donner un conseil à ton « toi » d’il y a un mois, que lui dirais-tu ? »

Pourquoi ça marche ?
Parce que l’élève voit une preuve concrète de ses progrès.
Parce qu’il comprend que chaque petit effort cumulé finit par donner un grand résultat.

 

f. Valoriser les erreurs comme des étapes vers la réussite

Un élève peut être frustré de ne pas tout réussir du premier coup.
Or, comprendre que l’échec fait partie du processus d’apprentissage est essentiel.

Phrases à dire pour reprogrammer sa perception de l’échec :
« Quelle erreur t’a fait apprendre quelque chose aujourd’hui ? »
« Peux-tu me dire une erreur qui t’a aidé à progresser récemment ? »
✔️ « Si tu ne t’étais jamais trompé sur ce point, crois-tu que tu aurais appris aussi bien ? »

Pourquoi ça marche ?
Parce que l’élève voit l’échec comme une opportunité plutôt qu’une menace.
Parce qu’il développe un état d’esprit de croissance (« growth mindset »).

 

g. Lui faire visualiser son évolution future

L’élève ne doit pas seulement voir d’où il vient, mais aussi où il va.

Demandez-lui de se projeter dans l’avenir :
« Si tu continues à progresser comme ça, où seras-tu dans un mois ? »
✔️ « Imagine que tu continues à travailler sur ce point, où en seras-tu d’ici la fin de l’année ? »
✔️ « Que dirais-tu à ton « toi » du futur pour l’encourager ? »

Pourquoi ça marche ?
Parce que l’élève visualise son potentiel et se conditionne à réussir.
Parce que cela stimule la motivation scolaire sur le long terme.

 

Sources et références

 

[1] Not all emotions are created equal: The negativity bias in social-emotional development – Psychol Bull. 2008 May;134(3):383–403. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC3652533/

[2] Le cortex cingulaire antérieur, entre douleur et dépression CNRS – 28 février 2018

https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-cortex-cingulaire-anterieur-entre-douleur-et-depression

[3] Anterior insular cortex is necessary for empathetic pain perception https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC3437027/

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