Dernière modification de l’article le 31 décembre 2017 par Admin
Comment enseigner les mathématiques autrement ? Face au classement médiocre de la France à l’enquête PISA, des mathématiciens s’interrogent. Comment faire concrètement ? Voici quelques éléments de réponse d’un paradoxe bien français… Mais on n’est pas les seuls, maigre lot de consolation !
Les mathématiques, voilà la matière souvent citée comme bête noire. Les mathématiques c’est « j’aime ou je n’aime pas ».. La France cultive un curieux paradoxe : elle est la 2ème nation derrière les USA à fournir régulièrement des lauréats à la distinction prestigieuse de la médaille Fields (13 distinctions contre 14 pour les États-Unis) dont le plus célèbre est Cédric Villani (1) mais reste régulièrement à la traine dans les différents classements PISA. Dans la dernière enquête de 2016, la France est tout juste au-dessus de la moyenne de l’OCDE (un score de 496 pour une moyenne de 494) et se classe dans les 20ème loin devant la Suisse, le Japon, Singapour (2). Ce paradoxe est confirmé par le classement assez passable aux dernières olympiades de mathématiques de 2017 (3) : la France se classe aux 39e rangs.
L’enseignement des mathématiques
Ce paradoxe tient à deux choses :
1. L’entretien d’une certaine « élite » avec une éducation centrée sur les mathématiques entretenue par les filaires S, voie royale vers les écoles prépas (maths sup / maths spé).
2. Un enseignement guère adapté pour la grande majorité des élèves qui sont peu ou pas matheux du tout. Vous en douteriez ?
Vous en douteriez ? Martin Andler, du département et laboratoire de mathématiques de l’université de Versailles, rattaché au CNRS résume le problème :
« Mais là où les mathématiciens font une erreur, c’est en supposant qu’il faut faire de l’apprentissage des mathématiques un préalable, avant de montrer quels problèmes concrets elles peuvent résoudre. On se retrouve avec des élèves qui ne comprennent plus pourquoi ils apprennent les maths ». (4)
Sur France info, Le mathématicien Michel Broué renchérit et déclare : « L’école a fait des maths une science d’imbéciles…”provoquant un rejet chez une grosse majorité d’élèves” alors que, selon lui, les maths sont le lieu même de l’imagination, de l’intuition et de l’esthétique ». (5)
France / États-Unis même paradoxe
La seule chose rassurante est que ce paradoxe n’est pas non plus le privilège de la France. Le paradoxe est bien plus grand aux États-Unis 1ère nation des mathématiques (14 mathématiciens ayant décroché la médaille Fields) avec un score PISA bien en deçà de la moyenne : 465 points soit la queue du classement (1).
Des mathématiciens et des enseignants en mathématiques s’inquiètent également de contradiction et surtout sur la façon d’enseigner les mathématiques aux États-Unis. Comme par exemple Conrad Wolfram (6)
Utilisation de l’ordinateur dans l’enseignement des mathématiques
Il milite pour que l’apprentissage des mathématiques s’affranchisse de la corvée que représente le calcul. Pour lui les cours de mathématiques consacrent beaucoup trop de temps à la résolution de calcul et pas assez sur la réflexion des problèmes eux-mêmes. Ainsi l’usage de l’ordinateur devrait être plus rependu dans les écoles afin que les élèves puissent leur laisser le travail fastidieux des calculs et consacrer leur temps sur la réflexion de la résolution de problèmes.
Conférence TED de Conrad Wolfram
Relier l’enseignement des mathématiques à la réalité du quotidien
Mais surtout Conrad Wolfram insiste sur la question récurrente de tout élève « à quoi ça sert les mathématiques . ». Plutôt que d’être bottée en touche aujourd’hui, cette question mériterait d’être placée au centre de l’apprentissage des mathématiques.
À chaque nouvelle notion devrait correspondre l’étude d’un cas concret où les concepts déjà vus sont utilisés. Les élèves passeraient alors du temps sur le pourquoi de l’application de la formule, sur l’implication de celles-ci dans un problème et la relayer par de l’expérimentation.
Par exemple partir du cas concret de la circulation et de la synchronisation des feux rouge : « Vous arrivez à l’heure grâce aux mathématiques qui permettent de synchroniser les feux de circulation ! ». Quelles formules mathématiques sont utilisées pour arriver à synchroniser tout cela ? Quelles fonctions peuvent avoir ces formules .
Quels concepts sont utilisés ? Si la question de la circulation est un peu rébarbative, on peut aussi prendre l’exemple des départs de Noël où grâce à la résolution d’équations les réservations via internet sont rendus possibles. Si l’on veut aller sur le terrain de l’écologie et sensibiliser les élèves, on peut évoquer la simulation du réchauffement climatique ou alors la prévision des phénomènes météorologiques.
Les mathématiques sont aussi très présentées dans l’économie notamment dans les prévisions de croissance du PIB. Les administrations savent ce qu’engendre une baisse d’impôt de x% ce que cela engendre sur l’activité économique.
Enfin les mathématiques sont même présentes en politique, durant les périodes d’élection. C’est grâce aux théories des probabilités que l’on peut faire des sondages (loi de Gauss) et connaître les résultats à l’avance. Dan Meyer, mathématicien et enseignant (7) qui relais la croisade de Conrad Wolfram pour un autre enseignement et un autre apprentissage des mathématiques, constate : « J’ai été étonné de voir que des étudiants en économie du niveau du supérieur ne savaient pas comment étaient faits les sondages et ignoraient les bases même des mathématiques. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient quitté la section scientifique par dégoût des maths qui étaient particulièrement mal enseignées en étude d’économie. On sait y enseigner nombre de théories économiques plus ou moins éloignées de la réalité, mais on ne s’intéresse pas assez aux mathématiques ».
En France, dans les années 50, 60, il y a bien eu une tentative d’application concrète avec les problèmes de robinets et de baignoire remplie. Préoccupation bien peu utile dans la vraie vie. Un professeur de mathématiques américain raconte comment il a passionné ses élèves apprentis charpentiers aux mathématiques. Avec une mauvaise organisation du temps de travail et une organisation de leur chantier déplorable, ceux-ci étaient incapables de rendre leur entreprise profitable. Ils avaient alors le choix entre mettre la clef sous la porte ou se familiariser avec les mathématiques pour calculer leur devis au plus juste et optimiser leur organisation pour réduire les coûts.
Si le début des cours s’est traduit par une certaine moue des élèves charpentiers, il s’est avéré que beaucoup d’entre eux avaient une belle compréhension des mathématiques et une certaine motivation retrouvée. Tout cela parce que les mathématiques étaient reliées à du concret et à une préoccupation du quotidien.
Pourquoi les mathématiques ne donnent pas envie ?
Pour Dan Meyer un professeur de mathématiques devrait consacrer du temps à collecter les cas précis d’application pour rendre les mathématiques attrayantes et concrète à ses élèves (8).
Il note 5 raisons pour lesquels les élèves raisonnent mal en mathématiques :
1. le manque d’initiative. Les élèves ne sont pas moteurs. Il constate que lorsqu’il finit une explication, 5, 6 élèves lèvent le doigt à la fin du cours et il doit tout réexpliquer quasi individuellement.
2. Le manque de persévérance. Les élèves décrochent vite lorsque leur intérêt n’est pas stimulé.
3. Un manque de mémorisation pour les formules de mathématiques. Ainsi il n’est pas rare de devoir réexpliquer les concepts de base 3, 5 mois plus tard surtout que les élèves se réveillent quelques jours avant l’examen.
4. Une aversion pour la résolution des problèmes présents chez plus de 90% des élèves.
5. Une recherche de la bonne formule à appliquer pour résoudre un problème ou un exercice sans se poser la question du « pourquoi ».
Ces raisons tournent autour de l’impatience des jeunes face à la complexité. Cette impatience face à complexité a été particulièrement remarquée par David Milch, le créateur de série américain à succès. Il indique que les problèmes d’intrigue dans les STICOM doivent se résoudre en moins de 22 minutes. Sauf qu’en mathématiques les problèmes ne peuvent pas se résoudre en 22 minutes. Cela demande parfois du temps. Et donc avec la déconnexion avec le réel des maths et cette impatience face à la complexité, les jeunes sont vite démotivés.
Conférence TED de Dan Meyer
Faire des résolutions de problèmes rapides et en lien avec la réalité
C’est pourquoi Dan Meyer insiste sur le fait de commencer par des exemples simples de la vie quotidienne avec des résolutions rapides pour accrocher les élèves au début. Puis, une fois la motivation et l’intérêt suscités, complexifier un peu plus les choses et faire appel à la patience et une certaine persévérance des élèves. Toutefois l’enseignant et mathématicien américain est bien conscient que la mise en pratique en classe n’a rien d’évident surtout avec la présence d’un certain nombre de contraintes comme celle des programmes, du manque de temps. « Mais au moins d’avoir ce principe en tête ça serait déjà pas mal ».
Source et texte © apprendre à apprendre.com
— Notes
(1) La médaille Fields est une distinction honorifique semblable au prix Nobel (mais qui n’existe pas en mathématiques). L’idée de cette distinction en mathématiques provient du mathématicien canadien John Charles Fields. La première attribution s’est faite en 1936 et se fait ensuite tous les quatre ans. La dernière en date a eu lieu en 2014, ou encore un Français a été distingué (Franco-brésilien) et la prochaine en 2018.
(2) Résultat de la dernière enquête officielle PISA de l’OCDE https://data.oecd.org/fr/pisa/competences-en-mathematiques-pisa.htm
(3) Site de l’organisation des olympiades de mathématiques : http://www.imo-official.org/results.aspx
(4) Interview de Martin Andler : http://www.uvsq.fr/a-quoi-servent-les-maths-la-reponse-de-martin-andler-257381.kjsp
(5) Interview de Michel Broué sur France info https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-idees/michel-broue-le-monde-est-regi-par-les-maths_1749655.html
(6) Conférence TED de Conrad Wolfram Juillet 2010 https://www.ted.com/talks/conrad_wolfram_teaching_kids_real_math_with_computers#t-269409
(7) Voir le blog de Dan Meyer http://blog.mrmeyer.com/
(8) Conférence TED de Dan Meyer-Mars 2010 : https://www.ted.com/talks/dan_meyer_math_curriculum_makeover?language=en#t-351203 .Dans ce TED Dan Meyer explique un cas concret sur sa façon d’enseigner de façon concrète les mathématiques.
Pour voir le désastre de l’éducation des mathématique en France, je vous invite à aller lire les articles mathématiques sur Wikipédia.fr.
Ils sont représentatifs de l’élitisme mathématique à la française : une affaire d’initiés qui pataugent dans leur jargon incapables qu’ils sont de s’adresser à d’autres qu’eux-mêmes. Incapables d’animer les explications présentées. Des recopies de formules vides de sens…
Lorsque cette élite se risque à la vulgarisation, ils sont mis en garde de montrer des formules pour ne pas perdre leur auditoire. A trop prendre les gens pour des cons depuis des années, ça a fini par arriver.
Le système français d’enseignement des mathématiques m’a fait fuir comme beaucoup…
Et pourtant comme en toute matière, lorsque l’on trouve le bon passeur, tout un chacun découvre le fil qu’il lui est possible de dérouler et d’accéder à ce le langage de modélisation que les initiés lui ont caché.
Apprendre à apprendre c’est apprendre à trouver le bon passeur, celui qui sait éclairer une matière d’une manière différente, qui sait la rendre préhensible à d’autres sens que ceux que l’on prête aux mathématiciens (la raison, l’abstraction). Par exemple, le jeu, la visualisation des équations en mouvement, la mise en relation des différentes manière d’expliquer la même chose, savoir donner un exemple simple qui témoigne de l’usage que l’on peut faire de la chose abstraite avant d’entrer dans le dur de l’apprentissage.
Pour les mathématiques, je vous invite à aller sur le site 3BROWN1BLUE sur youtube, c’est en anglais, sorry.
https://www.youtube.com/channel/UCYO_jab_esuFRV4b17AJtAw
Vous verrez littéralement la puissance de la pédagogie visuelle des mathématiques même pour les concepts qui nous sont habituellement vendus comme les plus abstraits dont non représentables visuellement.