Dernière modification de l’article le 13 août 2024 par Admin

Vous rappelez-vous de la dernière fois où vous avez posé une question à vos élèves, simplement pour combler un silence gênant ou pour calmer un brouhaha grandissant dans votre classe ? Saviez-vous que les questions sont un outil puissant, capable de transformer la façon de penser, de comprendre et de mémoriser de vos élèves ? Chaque type de question, du rappel à la réflexion critique, joue un rôle spécifique dans le fonctionnement du cerveau.

Poser des questions n’est pas un simple passe-temps. Au contraire, c’est un véritable levier qui active les neurones, engage la réflexion et renforce l’apprentissage. Les questions ne sont pas seulement des outils de vérification ; elles peuvent devenir de véritables déclencheurs, capables de remodeler la structure même de l’apprentissage.

Cependant, pour qu’elles soutiennent efficacement le cerveau et l’apprentissage de vos élèves, elles doivent être bien formulées et posées au bon moment.

Les différents types de questions

1. Les questions de rappel et la mémoire à long terme

Les questions de rappel demandent aux élèves de se souvenir d’informations apprises précédemment, ce qui renforce leur mémoire à long terme.

Voici quelques exemples :

Imaginez-vous au milieu d’un cours, face à une classe attentive mais peut-être légèrement hésitante. Pour encourager la participation, vous pouvez utiliser une question de rappel telle que :

« Pouvez-vous raconter ce qui s’est passé pendant la Révolution française, en l’expliquant comme si vous étiez un journaliste de l’époque ? »

Ce que vos élèves ne réalisent peut-être pas immédiatement, c’est que cette question est bien plus qu’un simple test : c’est un puissant outil pour consolider leur mémoire. En leur demandant de se replonger dans l’histoire et de l’expliquer de manière vivante, vous activez des connexions profondes dans leur cerveau. Ce n’est pas seulement une répétition des faits, mais une immersion qui ancre ces informations bien plus profondément que s’ils les avaient simplement relues ou répétées mécaniquement.

À ce moment précis, vous ne vous contentez pas de vérifier s’ils ont bien retenu les faits historiques. Pourquoi cela fonctionne-t-il si bien ? Parce que vous faites appel à l’effet de test. Des recherches, notamment l’étude de Roediger et Butler [1], montrent que l’acte de rappeler une information et de la reformuler est bien plus efficace pour la mémoire à long terme que de simplement la relire ou l’étudier passivement. En d’autres termes, en posant ces questions, vous ne faites pas que vérifier leurs connaissances ; vous les aidez à renforcer leur mémoire de manière durable.

Imaginez maintenant que vous enseignez le français :

« Comment avez-vous compris l’idée principale de cette histoire, et comment pourriez-vous l’expliquer à un enfant de 10 ans ? »

Ici, ce n’est pas une simple vérification de compréhension, mais une invitation à l’introspection, qui amène vos élèves à réfléchir sur leur propre processus de pensée. Vous les poussez à se demander comment ils décodent un texte, comment ils peuvent améliorer leur capacité à le comprendre et à le transmettre de manière accessible à un enfant de 10 ans.

Et si vous enseignez les mathématiques ?

Essayez cette question simple mais puissante :

« Quelle étape as-tu trouvée la plus difficile dans ce problème, et que ferais-tu différemment pour la rendre plus facile la prochaine fois ? »

Avec cette question, vous ne cherchez pas seulement à savoir si l’élève a trouvé la bonne réponse. Vous l’encouragez à réfléchir à son propre processus de résolution, à identifier les obstacles qu’il a rencontrés et à envisager des moyens d’améliorer sa méthode. Vous l’aidez ainsi à développer des compétences en auto-évaluation et en ajustement de stratégie, ce qui le rend plus autonome et plus efficace dans son apprentissage.

2. Les questions ouvertes et la pensée critique

Les questions ouvertes stimulent la pensée critique en obligeant les élèves à analyser, évaluer et synthétiser l’information.

Imaginez la scène : vous êtes en plein cours de sciences, et vous posez cette question apparemment simple :

« Si vous pouviez changer une seule chose chez l’humain pour améliorer la vie sur Terre, qu’est-ce que ce serait et pourquoi ? »

À première vue, il pourrait sembler que vous cherchez simplement à faire réfléchir vos élèves. Mais en réalité, votre démarche est bien plus profonde.

Prenons l’exemple de Lucas, un élève de votre classe. Au début, il semble hésitant, le regard fixé sur son cahier. Vous pouvez presque voir les rouages de son esprit en action. Il repense aux leçons passées, aux discussions sur l’évolution, aux avancées technologiques, et aux défis environnementaux. La question que vous avez posée est une invitation à explorer un vaste champ d’idées, à naviguer entre ses connaissances actuelles et ses projections sur ce qui pourrait être possible.

Mais ce n’est pas tout. Cette question n’est pas simplement un exercice de réflexion ; elle est une porte d’entrée vers un monde où l’analyse, l’évaluation, et la synthèse de l’information deviennent des compétences vitales. Lucas ne se contente plus d’apprendre des faits ; il est en train de devenir un penseur critique, capable de se poser des questions complexes sur le monde qui l’entoure et de formuler des réponses pertinentes.

Vous pourriez vous demander : pourquoi est-ce si important ? Pourquoi devrions-nous, en tant qu’enseignants, aller au-delà des simples faits pour explorer ces terrains plus incertains de la pensée critique ?

Parce que c’est dans ces moments de réflexion profonde que nos élèves se connectent réellement au savoir. Ils cessent d’être de simples récepteurs passifs pour devenir des participants actifs dans leur propre éducation.

En leur demandant de réfléchir à ce qu’ils changeraient chez l’humain pour améliorer la vie sur Terre, vous les invitez à explorer de nouvelles idées, à examiner les implications de leurs choix, et à considérer des perspectives qu’ils n’avaient peut-être jamais envisagées. Ce n’est plus seulement un exercice académique ; c’est un défi intellectuel, une aventure dans le domaine de la pensée critique.

Alors, la prochaine fois que vous entrez dans votre classe, rappelez-vous de Lucas. Rappelez-vous de cet instant où une simple question a le pouvoir de transformer la manière dont un élève voit le monde. Ne sous-estimez jamais l’impact que ces questions ouvertes peuvent avoir. Elles ne sont pas seulement des outils pédagogiques ; elles sont des leviers pour le développement de la pensée critique, pour l’émergence de futurs leaders, décideurs et innovateurs.

En somme, continuez à poser ces questions qui dérangent, qui stimulent, qui ouvrent des portes. Vos élèves ne se contenteront pas de répondre à ces questions ; ils s’en serviront pour naviguer dans leur propre parcours éducatif et, en fin de compte, dans leur vie. Et c’est là que réside la véritable puissance de l’enseignement.

Ces questions ouvertes activent le cortex préfrontal, responsable des fonctions exécutives telles que la prise de décision et la résolution de problèmes complexes. Une étude de King et Kitchener (1994) [2] a montré que les questions encourageant la réflexion critique aident les étudiants à développer des compétences de pensée de niveau supérieur.

3. Les questions métacognitives et l’autorégulation

Les questions métacognitives aident les élèves à réfléchir sur leur propre processus d’apprentissage, développant ainsi des compétences d’autorégulation.

Comment les formuler ? Il est possible d’utiliser la question de rappel évoquée au début du point n°1.

Imaginez la scène : vous êtes en plein cours de français, et les lycéens sont absorbés par une discussion sur une nouvelle ou un roman qu’ils viennent de lire. Vous leur posez cette question :

« Comment avez-vous compris l’idée principale de cette histoire, et comment pourriez-vous l’expliquer encore mieux la prochaine fois ? Par exemple, si vous deviez l’expliquer à un enfant de 10 ans, comment feriez-vous ? »

Que se passe-t-il dans l’esprit de l’élève ? Il se revoit en train de lire le texte, se souvient de la manière dont il a interprété les mots, les phrases, les passages clés.

Puis, il se demande :

« Ai-je vraiment saisi l’essence de cette histoire ? Comment pourrais-je l’expliquer plus simplement, plus clairement ? »

En posant cette question, vous l’invitez à revisiter son processus d’apprentissage, à examiner comment il a compris le texte, à reconnaître ce qui a bien fonctionné et ce qui pourrait être amélioré.

Et c’est là que la magie opère. Ce type de question, appelé question métacognitive, ne se contente pas de vérifier ce qu’il sait. Elle l’oblige à réfléchir à la manière dont il apprend, à évaluer ses propres stratégies de compréhension, et à envisager comment il pourrait faire encore mieux à l’avenir. Ce n’est pas seulement un exercice intellectuel ; c’est une invitation à l’autorégulation, une compétence cruciale pour tout apprenant.

Mais pourquoi est-ce si puissant ? Imaginez un instant : combien de fois dans votre propre vie avez-vous eu l’occasion de prendre du recul et d’analyser non seulement ce que vous avez appris, mais aussi comment vous l’avez appris ? Peut-être lors de vos études ou dans un moment de réflexion professionnelle. Ces instants où vous avez pris conscience de vos propres processus d’apprentissage ont probablement été des moments clés dans votre développement intellectuel. C’est exactement ce que vous offrez à vos élèves à travers ces questions métacognitives.

Prenons un autre exemple avec une élève, appelons-la Sarah. Sarah a toujours eu du mal à résumer les textes en français. Elle lit, elle comprend les mots, mais elle se perd souvent dans les détails, en proie à un excès de perfectionnisme qui la désoriente.

Cette fois, après avoir répondu à votre question, elle se rend compte qu’elle a tendance à se concentrer trop sur les petits éléments au lieu de saisir l’idée principale. Elle comprend aussi qu’en essayant de simplifier le message pour un enfant de 10 ans, elle est obligée de clarifier ses propres idées, de les structurer de manière plus cohérente. Pour Sarah, ce n’est plus simplement un exercice de classe ; c’est une révélation sur sa propre manière d’apprendre.

Rappelez-vous, ce que vous faites ici va bien au-delà du simple enseignement des matières. En posant cette question, vous enseignez indirectement à Sarah comment apprendre, comment réfléchir sur son propre apprentissage.

Vous lui donnez les outils pour devenir une apprenante plus autonome, capable de planifier, de surveiller et d’évaluer sa propre progression. Vous l’aidez à développer une compétence qui lui servira tout au long de sa vie, dans tous les domaines.

Est-ce que j’exagère ? Non, ce n’est pas juste une théorie. Une étude de Schraw et Moshman (1995) [3] a démontré que la métacognition, cette capacité à réfléchir sur son propre processus d’apprentissage, améliore l’apprentissage autonome. En d’autres termes, plus un élève est capable de se poser des questions sur la manière dont il apprend, plus il devient efficace et indépendant dans son apprentissage.

Nous avons maintenant exploré les trois types de questions qui stimulent l’apprentissage chez vos élèves.

1. Les questions de rappel et la mémoire à long terme

« Pouvez-vous raconter ce qui s’est passé pendant la Révolution française, en l’expliquant comme si vous étiez un journaliste de l’époque ? »

« Comment avez-vous compris l’idée principale de cette histoire, et comment pourriez-vous l’expliquer à un enfant de 10 ans ? »

« Quelle étape as-tu trouvée la plus difficile dans ce problème, et que ferais-tu différemment pour la rendre plus facile la prochaine fois ? »

2. Les questions ouvertes et la pensée critique

« Si vous pouviez changer une seule chose chez l’humain pour améliorer la vie sur Terre, qu’est-ce que ce serait et pourquoi ? »

3. Les questions métacognitives et l’autorégulation

« Comment avez-vous compris l’idée principale de cette histoire, et comment pourriez-vous l’expliquer encore mieux la prochaine fois ? Par exemple, si vous deviez l’expliquer à un enfant de 10 ans, comment feriez-vous ? »

Les bases neuroscientifiques d’une bonne question

Les neurosciences montrent que des questions bien formulées peuvent activer plusieurs régions du cerveau simultanément, ce qui augmente l’engagement cognitif des élèves. Par exemple, des questions qui engagent à la fois des processus émotionnels et cognitifs peuvent créer des expériences d’apprentissage plus riches et plus mémorables. Une étude d’Immordino-Yang et Damasio (2007) [4] explique comment l’émotion et la cognition sont intégrées dans le cerveau pour soutenir un apprentissage significatif.

Votre cours devient plus passionnant

En posant ces trois types de questions et en maîtrisant leur utilisation au bon moment, n’observons-nous pas un surcroît de motivation chez les élèves à apprendre ? Les cours ne deviennent-ils pas moins monotones, plus intéressants, voire passionnants ? Intuitivement, on aurait tendance à dire « oui », surtout si vous avez expérimenté l’art du questionnement et constaté une nette différence.

C’est précisément la question que s’est posée Mirjam Ebersbach, docteure en psychologie et professeure à l’université de Kassel (Allemagne), avec son équipe de recherche. Ils ont rassemblé 82 étudiants, répartis en trois groupes avec des missions différentes [5].

Le premier groupe s’est vu confier une tâche bien connue : relire, encore et encore, jusqu’à ce que les mots s’ancrent dans leurs esprits. Le second groupe, après avoir étudié, a été soumis à un court quiz de dix questions. Mais c’est le troisième groupe qui a véritablement été mis à l’épreuve : ces étudiants devaient non seulement apprendre, mais aussi créer des questions allant au-delà de leur sphère de connaissances.

Une semaine plus tard, l’heure de vérité est arrivée. Un test unique pour mesurer ce que chacun avait acquis. Les résultats ? Les étudiants du groupe de révision ont obtenu une moyenne de 42 %. Ceux qui avaient été testés ou qui avaient créé leurs propres questions ? 56 %. Une différence qui, sur le papier, semble minime, mais qui en réalité, signifie tout. Elle marque l’écart entre l’oubli et la compréhension, entre la moyenne et l’excellence.

Pourquoi cette différence ? Parce que poser des questions, c’est se confronter à ses propres limites, creuser plus profondément dans la matière, et transformer le savoir en une partie de soi. Comme l’a souligné Ebersbach, « La génération de questions favorise une élaboration plus profonde du contenu d’apprentissage. » C’est un acte de réflexion et de transformation personnelle.

Alors, la prochaine fois que vous vous retrouvez face à vos notes, ne vous contentez pas de les relire. Posez des questions. Transformez votre apprentissage en une quête personnelle.

Les questions canalisent l’attention. Même dans une classe animée, si vous savez comment les poser, vous créerez une atmosphère bien plus concentrée. Vous n’obtiendrez peut-être pas un silence absolu, mais vos élèves seront pleinement engagés dans leur travail.

Vous allez transformer l’atmosphère de la salle. Au lieu de présenter les mathématiques, l’histoire, ou la littérature comme des blocs de connaissances à mémoriser, vous les rendrez vivants, intrigants, et surtout, passionnants.

Pour conclure

Ne sous-estimez jamais le pouvoir d’une question bien posée. Utilisez-les pour motiver, inspirer et faire grandir vos élèves. Voyez chaque question comme une opportunité de les guider vers une meilleure compréhension et une maîtrise plus approfondie de ce qu’ils apprennent. Avec chaque question, vous leur donnez les outils pour non seulement réussir académiquement, mais aussi pour se développer en tant que penseurs critiques et créatifs. [6]

Alors, la prochaine fois que vous vous apprêtez à poser une question, rappelez-vous que vous avez entre les mains un outil extraordinaire. Utilisez-le pour captiver, émouvoir et inspirer vos élèves à devenir la meilleure version d’eux-mêmes.

Vous n’êtes plus seulement un enseignant ; vous êtes un guide qui aide ses élèves à explorer les profondeurs de leur propre esprit. Vous les incitez à ne pas se contenter de la surface, mais à aller plus loin, à affiner leur compréhension et à devenir des penseurs plus critiques et plus habiles.

Ces moments en classe ne sont pas simplement des exercices académiques ; ce sont des opportunités pour aiguiser l’esprit. Vous montrez à vos élèves que l’apprentissage est un processus continu d’amélioration. Vous les motivez à toujours chercher à faire mieux, à comprendre plus profondément, à ne jamais se contenter du minimum.

C’est là que réside toute la force de votre rôle en tant qu’enseignant. Vous avez la capacité de transformer chaque question en un levier puissant pour l’apprentissage. Vous ne posez pas de simples questions pour remplir le temps ; vous les utilisez pour éveiller la curiosité, stimuler la réflexion, renforcer la mémoire et développer des compétences essentielles.

Sources et références

[1] Roediger, H. L., & Butler, A. C. (2011). The critical role of retrieval practice in long-term retention. Trends in Cognitive Sciences, 15(1), 20-27. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364661310002081

[2] King, P. M., & Kitchener, K. S. (1994). Developing Reflective Judgment: Understanding and Promoting Intellectual Growth and Critical Thinking in Adolescents and Adults. Jossey-Bass Publishers. https://eric.ed.gov/?id=ED368925

[3] Schraw, G., & Moshman, D. (1995). Metacognitive theories. Educational Psychology Review, 7(4), 351-371 https://link.springer.com/article/10.1007/BF02212307

[4] Immordino-Yang, M. H., & Damasio, A. (2007). We Feel, Therefore We Learn: The Relevance of Affective and Social Neuroscience to Education. Mind, Brain, and Education, 1(1), 3-10.
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1751-228X.2007.00004.x

[5] « Comparing the effects of generating questions, testing, and restudying on students’ long-term recall in university learning »

Mirjam Ebersbach, Maike Feierabend, Katharina Barzagar B. Nazari

First published: 21 January 2020 : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/acp.3639

https://doi.org/10.1002/acp.3639

[6]  « Améliorer l’apprentissage des élèves grâce à des techniques d’apprentissage efficaces: des orientations prometteuses de la psychologie cognitive et éducative »

John Dunlosky, Katherine A. Rawson, (…), et Daniel T. Willingham 2 Voir tous les auteurs et affiliations

Volume 1414, numéro 1

https://doi.org/10.1177/1529100612453266

 

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