Dernière modification de l’article le 15 mai 2018 par Admin
Comment remotiver, comment redonner le goût d’apprendre à des jeunes en échec scolaire ? Ce n’est pas une tâche facile, que ce soit pour les enseignants ou les parents. Mais il y a des solutions. Sauf que celles-ci ne s’improvisent pas.
Dans cet interview nous verrons quelles sont les étapes à respecter et comment un enseignant peut agir concrètement face à ce public d’élèves en difficulté, au comportement souvent difficile.
Interview de Louis MUSSO, (par Jean-François MICHEL) auteur du livre « Sortir de l’échec scolaire » aux Éditions Grancher
Comment débloquer un élève ou des élèves qui ont des problèmes de scolarité ou en échec scolaire ?
Quand on est en face d’élèves qui sont en échec scolaire depuis des années, qui sont aigris, qui sont en révolte contre le système scolaire, qui sont aussi en révolte contre les enseignants, il y a 2 attitudes possibles :
1. soit on dit qu’on leur tape dessus et on les fait rentrer dans l’ordre. Entre nous, cette méthode ne fonctionne pas.
2. soit il faut changer son approche, trouver une méthode plus efficace et quitter les schémas classiques.
Comment faire concrètement ?
Face à des enfants ou des élèves qui sont en échec scolaire ou en décrochage scolaire, la première étape : chercher à rentrer en communication avec eux, c’est-à-dire de développer avec eux des relations personnalisées.
Concrètement comment cette relation personnalisée, cette communication s’établit ?
On leur montre qu’on les reconnaît en tant qu’être humain, en tant qu’être vivant avec une sensibilité. On leur montre qu’ils sont importants pour nous, que le professeur, que l’éducateur a de l’empathie pour eux. C’est ainsi que nous rentrons vraiment en communication avec eux.
Ce n’est pas un peu difficile quand on a des élèves qui ont des comportements de bavardage, parfois ou souvent d’irrespect ?
Oui, car d’abord les enseignants voire même des formateurs (dans les CFA Centre de formation d’apprentis) n’ont jamais vraiment été habitués à ce genre de rapport humain ou cette forme de communication. Mais aux professeurs, il ne faut pas leur jeter la pierre, car on ne leur a pas appris à vraiment communiquer avec ce type d’élèves : les professeurs rentrent dans la classe et ils démarrent immédiatement le cours. Et puis c’est terminé. Ils s’étonnent ensuite que ça ne marche pas avec ces élèves en échec scolaire. Mais en fait, c’est un petit peu normal.
Et en face, il y a ces élèves en décrochage qui n’écoute pas le professeur, car ils sont en révolte contre les profs et contre beaucoup de choses. Ils s’en fichent de ce qu’ont peut leur dire. Ces élèves sont désorientés et ne savent pas se servir de leur cerveau (sans aucune connotation péjorative). Ils ne savent tout simplement pas comment leur cerveau fonctionne. Donc ils croient qu’ils sont nuls. C’est un raisonnement un peu facile de leur part, complètement faux certes, mais qui pour eux à une logique.. Et à partir de là, ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent faire des efforts, pourquoi ils doivent respecter le professeur puisqu’ils sont convaincus qu’ils sont nuls. Il y a une forme d’incompréhension entre le professeur et ces élèves.
La deuxième étape : il va falloir calmer et rassurer ces élèves. Il faut leur apprendre à mieux gérer leurs émotions. C’est pour cela que la sophrologie et même la méditation sont des outils très bien pour calmer les élèves. C’est ce que j’appelle la phase de déblocage scolaire.
Exemple de la mise en place de l’apprentissage du yoga et de la pleine conscience dans une école publique à Salzbourg (Autriche). Il y a 2 objectifs : premièrement que les élèves puissent se libérer de leur stress, de leur frustration. Donc de se calmer, de réduire leurs réactions émotionnelles. Deuxièmement d’apprendre aux élèves à mieux se connaître.
La troisième étape : il va falloir motiver motiver ces élèves en échec scolaire, car ils n’ont plus envie de travailler. Il va falloir aider ces élèves à prendre conscience de leur potentiel. Le problème est que ces élèves, qu’ils soient en échec scolaire ou pas d’ailleurs, n’ont jamais appris à se connaître et à rechercher en eux les choses, notamment sur leur mode de fonctionnement, sur leur talent et sur leur façon d’apprendre. Ils ne connaissent pas les bonnes méthodes de travail pour eux. On ne leur a jamais appris à se connaître et à travailler sur la stratégie de travail efficace pour qu’ils apprennent efficacement. Mais cela, ils ne le savent pas. Ils sont habitués à ce qui vient de l’extérieur : la télé, Internet, les téléphones portables, Facebook, snapchat. Les jeunes ont pris l’habitude de considérer uniquement ce qui se passe à l’extérieur. Ce n’est pas pour autant les excuser. Mais c’est une réalité qu’il faut regarder en face, même si elle ne plaît pas. Ils sont pris dans une forme de conditionnement sociétal. C’est pour cela qu’il est si difficile de faire l’exercice de connaissance de soi avec eux.
C’est aussi une habitude qu’ils ont acquise. J’imagine que lorsque vous leurs posez des questions sur la connaissance de soi, ils ne doivent pas trop comprendre.
Tout à fait! Quand je leurs demande « quels sont vos talents ? », « qu’est-ce qui vous passionne ? » « comment vous apprenez ? », ils me regardent de façon ahurie. Bien entendu encore une fois, il ne s’agit pas d’excuser les jeunes mais simplement de comprendre le processus afin que le professeur n’ait pas une démarche émotionnelle ou en tout cas que les niveaux des émotions soient réduits. Cela peut paraître simple, voire même simpliste. Mais déjà cette prise de conscience chez l’enseignant va lui permettre d’être dans un état d’esprit de meilleure écoute. Donc là, on est un petit peu dans la démarche de Socrate qui disait à ses disciples de se connaître eux-mêmes ou de se connaître soi-même. Apprendre à penser par soi-même. Il faut renvoyer l’élève à lui-même et lui dire qu’il peut y arriver s’il se met au travail s’il arrive à avoir la bonne approche et d’arrêter de croire qu’il est peut-être un imbécile. Et quand il y a cette prise de conscience et bien tout change : l’élève prend confiance en lui de nouveau. Il ne compte pas ou il ne compte plus sur l’aide systématique des autres. Il ne faut pas en faire des élèves assistés. Le problème est qu’il y a trop de passivité chez les jeunes et plus particulièrement chez ces jeunes en difficulté scolaire ou en échec scolaire.
Mais il y a autre chose aussi même si c’est un peu tabou : c’est l’attitude des enseignants. Car ce qui compte c’est le regard de l’enseignant.
Pouvez-vous expliquer pourquoi le regard de l’enseignant est en jeu ici, et comment l’influence du regard de l’enseignant s’opère sur les élèves ?
Le regard de l’enseignant est très important en effet. Si l’enseignant a un regard négatif sur les lèvres ou plus généralement sur sa classe et bien c’est cuit ! Si le regard de l’enseignant est toujours du style « tu n’y arriveras pas, tu es incapable, tu ne sais rien, tu ne travailles pas » il n’y a aucune évolution possible chez les élèves. Pourquoi ? Parce que le professeur est déjà le miroir, le professeur se fait le miroir de ses élèves. Ce que je décris là c’est typiquement l’effet pygmalion mis à jour par le scientifique qui s’appelle Rosenthal. Pour résumer Rosenthal a démontré que les élèves avaient des résultats peu probants ou des résultats beaucoup moins satisfaisants si l’enseignant avait un a priori négatif sur la classe. Les performances scolaires étaient inférieures. C’est un typiquement les prophéties autoréalisatrices. (Voir l’interview de Sylvain Delouvée à ce sujet)
Le comportement est « je suis nul où on me considère comme nul donc j’agis comme quelqu’un qui est nul ». La bonne nouvelle maintenant, c’est que le même processus fonctionne aussi lorsque le professeur a un a priori positif ou particulièrement positif. Souvent parce qu’auparavant on lui a dit que les élèves travaillaient bien, que les élèves étaient motivés, qu’il avait de bons résultats. Le professeur avait donc un a priori positif, et cela se sentait sur le niveau scolaire et donc sur les notes. Vous voyez, il est très important de la part du porfesseur de faire attention à son état d’esprit. Alors bien entendu lorsque vous avez des élèves qui ont des lacunes, qui ont une faible motivation, il est difficile de se dire qu’ils sont motivés et qu’ils peuvent avoir de bons résultats scolaires. Je ne dis pas qu’il faut faire un déni de réalité, mais tout simplement partir du principe qu’il y a du positif. Alors ça peut faire sourire ce que je dis. Mais tout dépend l’état d’esprit. Car au final il n’y a rien de vrai.
Est-ce que cet effet pygmalion est connu dans le monde éducatif, notamment à l’étranger ?
J’ai connu une enseignante qui a pratiqué en Australie et lorsque je lui ai parlé de l’effet pygmalion, elle m’a dit qu’en Australie, durant sa formation d’enseignant, le premier cours qu’elle a eu c’est justement sur cet effet pygmalion et de l’importance d’en tenir compte. Cela pour que l’on prenne conscience que l’attitude des enfants, l’attitude des élèves, notamment quand ils sont en échec scolaire, dépend beaucoup de notre regard sur eux. Si j’ai un regard positif en tant que professeur, alors je peux avancer. Si j’ai un regard négatif alors les choses vont être très difficiles, et je dirais même que c’est complètement fini.
Une fois que les trois premières étapes ont été suivies que faut-il faire ?
Ensuite quand il y a cette prise de conscience, quand ces trois premières étapes sont respectées, la quatrième est d’appliquer des outils pédagogiques efficaces. Alors ces outils pédagogiques efficaces qu’est-ce que c’est ? Ce sont tous les outils qui permettent d’apprendre à apprendre, des outils qui aident à savoir comment apprendre. Par exemple, la base est de savoir si un élève et d’un profil visuel d’un profil auditif ou d’un profil du type kinesthésique. J’ai déjà commencé un cours ainsi. C’est déjà un grand pas pour l’élève. Il peut commencer par un outil ou des outils qui lui permettent de se connaître. On revient ce dont on a parlé sur la connaissance de soi.
L’utilisation de ces outils est fondamentale. Car sans cela, on reste dans la proclamation, dans la bonne intention. Et puis, un élève n’a pas la maturité pour s’approprier ou simplement pour prendre conscience qu’il faut travailler sur lui. Donc l’élève a besoin d’outils à sa disposition qui l’aide à se connaître, qui l’aide à prendre connaissance de soi. C’est capital.
Lorsque je reçois des élèves, tous ignorent comment fonctionne leur cerveau, et tous ignorent comment eux-mêmes ils fonctionnent. Cela fait toute la différence. Lorsque je dis à un élève « et bien tu as besoin par exemple de voir plus de texte, d’écouter ou peut-être même d’avoir des supports plutôt visuels, auditif » ou même que tu as besoin de ressentir les choses de connaître le pourquoi des choses. Donc, si on ne t’explique pas de la bonne façon pour toi (selon ton fonctionnement, selon ta façon d’apprendre), il sera bien difficile pour toi de comprendre ». Là vous avez un changement quasi immédiat de comportement chez les jeunes. Ils se sentent compris, vous vous intéressez à eux. Bref, j’en reviens à ce que je disais pour la première étape. Il y a une forme de déculpabilisation. Et j’encourage les professeurs que je forme à commencer à utiliser des outils efficaces.
Est-ce qu’il y a aussi une façon de communiquer avec ces élèves, qui peut être aussi appliquée chez tous les élèves plus généralement ?
La forme de communication est aussi à prendre en compte en effet. Concrètement, il est important de parler avec eux en utilisant des métaphores. Par exemple pour les sensibiliser sur la notion de visuel, auditif, kinesthésique je prends l’exemple de l’ordinateur. Je leur dis « quand tu écris une lettre sur ton ordinateur, pour la garder : soit tu la sauvegardes, soit tu l’imprimes. Et bien dans la lecture c’est exactement pareil : lorsque tu lis un livre, lorsque tu lis un texte, si tu lis sans comprendre et bien c’est un peu comme si tu écrivais une lettre et puis après tu éteins l’ordinateur. De ta lettre il ne restera rien. Donc tu as travaillé pour rien ! Si tu sais comment tu fonctionnes, si tu sais comment tu mémorises et bien cette lettre restera dans la mémoire de ton ordinateur ».
Comprendre cela est aussi utile pour nous les adultes. Cela peut faire sourire, mais je vous garantis que pour des élèves en difficulté voire moi-même en grande difficulté, qui sont souvent pénibles en classe, c’est une grande découverte que de connaître cette chose-là. Et rien qu’avec cette petite démarche là, les enfants, les élèves vont avoir une motivation qui va repartir. Ils prennent conscience qu’ils ont un outil à disposition qui leur permet d’apprendre plus vite. Ils prennent conscience aussi qu’ils ont des dispositions, qu’ils ont des capacités en utilisant ces outils. Alors bien entendu, il y a aussi des enfants qui sont excités et donc il faut les calmer. La sophrologie par exemple est un bon moyen. Même la médiation peut-être un outil tout à fait utile. Il y a aussi la kinésiologie. Donc tout cela s’articule autour de l’attitude du professeur, de techniques de relaxation et de concentration (pour faire baisser le stress ou l’agitation) avec l’utilisation d’outils pédagogiques.
Donc pour susciter l’attention des élèves difficiles, la tout première chose est de les calmer. Sans quoi, la découverte de soi, la communication sont moins efficaces, ou en tout cas, prises moins aux sérieux par les élèves ?
En effet le point de départ est de déstresser les élèves lorsqu’un élève est excité. Pourquoi ? Un élève stressé ne peut pas réfléchir correctement, car le fonctionnement de son cerveau ne le permet pas. C’est-à-dire que son stress amène son cerveau à bloquer les lobes frontaux (responsable de la réflexion) et à faire travailler la zone reptilienne qui prendre le relais tout simplement. Cela empêche le cortex de travailler. Donc ce processus bloque le raisonnement et limite fortement les facultés cognitives.
Comprenez qu’à la base, lorsque ces élèves en difficulté ou en échec scolaire sont turbulents, décrochent, n’écoutent plus en classe, c’est que leur cerveau fonctionne au niveau reptilien, parce qu’ils sont sous stress. Et c’est un mécanisme purement inconscient et automatique. Donc le but c’est, par des exercices de relaxation, de faire en sorte que leur cortex, leurs lobes frontaux reprennent le relais. Une fois fait, ils ne sont plus dans la réaction, ils ne sont plus dans la réaction pavlovienne. Ils pourront alors réfléchir et prendre conscience de certaines choses.
Vous savez que des scientifiques ont fait des expériences au niveau de la médiation par exemple. Ils ont demandé de réunir des moines tibétains et de se mettre en méditation. Ils ont pu observer la réaction de leur cerveau et des différentes régions activées en les passant dans d’appareil qu’on appelle l’IRM. Ils ont pu constater, par l’observation des réactions du cerveau dans l’IRM, que la méditation, mais aussi la sophrologie stimulent le lobe frontale gauche du cerveau. Pourquoi est-ce intéressant ? Car, le lobe frontal gauche est le centre du dynamisme, du positif et de l’action. Donc la méditation comme la sophrologie ne peuvent qu’être positifs. Bien entendu, il y a d’autres actions bénéfiques dans le cerveau. Ces 2 pratiques, par des exercices simples, permettent aux enfants de se calmer et de se sentir mieux, de se sentir eux-mêmes. Cela est aujourd’hui, bien démontré par les démarches scientifiques.
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Quelles sont les méthodes, les outils pour aider les élèves en échec scolaire ? Par quoi un enseignant doit-il commencer ?
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Remotiver, redonner le goût d’apprendre à des jeunes en échec scolaire, ne s’improvise pas. Il y a des étapes à respecter, dont l’une très importante : la restauration de la communication.
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Bonjour
A mon avis, le problème de cet article est qu’il a une vision beaucoup trop réductrice des enseignants et aussi de l’élève en décrochage.
Par exemple, dire que le prof commence direct son cours et n’a plus de contact avec l’élève quand sa sonne est faux.
Ce n’est qu’un exemple.
Il faudrait venir dans une classe pour voir comment ça se passe et aussi interroger le passé et la situation familiale de l’élève pour comprendre et peut-être résoudre son decrochage.
Merci.
Bonjour,
Merci pour votre message
La personne interviewée (Louis MUSSO) a été enseignant durant 35 ans. Il est intervenu comme médiateur dans des établissements connus pour leur public difficile. J’imagine qu’il a une expérience précise de la réalité terrain. Il est certain que son expérience n’est peut-être pas la votre. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est erronée.
La situation familiale a rien à voir du tout
Détrompez-vous! Il est difficile de la quantifier vraiment. Des élèves qui vivent une situation familiale difficile (divorce, violence entre parents etc.) ont bien des difficultés à se concentrer sur l’école et l’apprentissage. Lorsque j’étais enseignant en lycée technique, j’ai vu des jeunes dormir dehors, devoir travailler en parallèle pour pouvoir subvenir aux besoins financier de la famille. Dans les cas que j’ai pu voir (et j’en ai vu beaucoup) ils avaient tous décrochés.
Jean-François
Je suis un élève de troisième de 2022 2023 je veux savoir si je t’ai renvoyé