Dernière modification de l’article le 8 mars 2019 par Admin
Faire plusieurs choses à la fois ?
Si on se met à faire attention à tout, notre cerveau sera vite submergé. Même avec 100 milliards de neurones, il y a un goulot d’étranglement. On ne peut porter attention que sur une activité à la fois. Par exemple 2 schémas d’activité ne peuvent pas se superposer, que ce soit un système nerveux ou un réseau neuronal. On a besoin de l’attention afin de pouvoir sélectionner des endroits précis du champ de vision pour éviter la surcharge sensorielle.
Vous me direz qu’il est possible de faire plusieurs choses à la fois. N’avons nous pas tous fait l’expérience de pouvoir faire plusieurs choses à la fois ? Justement d’avoir la sensation de pouvoir conduire en étant attentif à ce qui se passe tout en parlant au téléphone ? N’y a-t-il pas là une contradiction ?
Cette impression n’est qu’une illusion. Cela pour 2 raisons :
Si l’on a l’illusion de pouvoir faire plusieurs choses en même temps, c’est que notre inconscient a repris le relais. Nous sommes en mode pilote automatique sans nous en rendre compte. L’attention n’est pas mobilisée.
2. Comme nous l’avons vu, le cerveau a besoin de faire un tri. Par exemple dans la circulation, au volant d’une voiture, le cerveau ne peut pas se concentrer sur tout : il ne peut se concentrer sur qu’une chose à la fois. C’est pour cela que l’on ne peut pas téléphoner et en même temps conduire en étant attentif à ce qui se passe sur la route. Si vous essayez de le faire malgré tout, c’est la partie inconsciente, vue précédemment, qui reprend les manettes.
Et lorsque nous avons un passager à nos côtés ? Sommes nous également peu attentif sur ce qui se passe sur la route ?
Si on écoute ce que dit notre interlocuteur, notre attention ne se porte alors plus sur la route, sur les dangers qui peuvent survenir. Inversement, si nous faisons attention à ce qui se passe devant notre capot en roulant, nous écoutons de façon distraite ce que notre interlocuteur nous dit au téléphone.
Si le téléphone au volant est dangereux, il l’est d’autant plus lorsque la conversation concerne un sujet important. [1] Notre cerveau est totalement pris par la conversation. Il n’y a pas d’attention qui pourrait être « alternée » entre la route et la conversation. Cela devient d’autant plus vrai si la conversation concerne un sujet important et négatif, comme un problème à résoudre. [2]
En suscitant des émotions négatives, le cerveau est alors totalement focalisé sur un schéma de solutions. Si Valérie au volant de sa voiture reçoit un appel téléphonique sur son portable de la directrice de l’école qui lui annonce que l’école est fermée le lendemain, Valérie va automatiquement se demander comment elle va faire pour garder sa fille. Pour répondre à ce besoin de trouver une solution, le cerveau de Valérie se focaliser sur la recherche de solutions possibles. Son attention se trouve totalement « déconnectée » de la route et de la conversation même. Elle est complètement distraite. Le danger est alors maximum.
Réviser ses cours ou apprendre avec la musique ou devant la télévision : quelle efficacité ?
Pour apprendre, vous avez besoin d’être concentré. Cela semble une évidence. Mais au quotidien, dans l’action, peu de personnes le sont au final. Sans y prendre garde, dans le quotidien nous sommes bercés par les distractions de toutes sortes. Et c’est au moment de se concentrer pour réaliser une tâche précise, comme s’assoir sur une chaise et réviser ses cours, que les difficultés commencent : mobiliser son attention n’est pas chose facile.
Vous avez probablement déjà attendu : « J’ai besoin d’écouter de la musique pour apprendre, pour me concentrer ! » N’est-ce pas là une poursuite de cette distraction quotidienne qui se manifeste dans l’apprentissage ? Il semblerait logique de penser qu’écouter de la musique tout en voulant mémoriser ou apprendre un contenu serait plutôt contreproductif.
Mais, à vrai dire, les différentes études ne donnent pas une réponse claire et ne sont pas si catégoriques [3]. La musique a un pouvoir émotionnel fort. Et, elle peut avoir un effet positif sur la mémorisation comme elle peut distraire [4]. Tout dépend du type de musique. Plusieurs cas peuvent se présenter :
– 1. On sait que la musique par exemple influence l’état d’esprit dans lequel on se trouve et fait du bien. Dans ce cas-là, la musique permet de se détendre dans un premier temps. Ensuite, cet état de détente permettra ensuite de mieux se concentrer et la musique ne trouve plus son utilité.
-2. Utilisée en fond sonore pour une détente, la musique peut être utile. Mais il ne faut pas qu’elle perturbe la concentration. Il vaut donc mieux privilégier la musique classique (encore faut-il aimer ce style de musique) ou une musique douce (sans parole de préférence).
-3 La musique rythmée entraînante avec des paroles, comme le « rap » ou la musique « pop » perturbe la concentration. Ici la musique fait office de distraction. Il s’agit plus d’un moyen de s’évader et de se détourner d’une tâche désagréable : celle de devoir apprendre un contenu, une matière que l’on n’aime pas.
Il en va de même d’un apprentissage devant la télé. Il y a de jeunes étudiants qui révisent leurs cours devant la télévision. C’est surprenant. Ils disent, là aussi que la télévision ne les dérange pas. Là encore, c’est tout à fait faux, c’est encore une fois une illusion : le cerveaude ces étudiants a besoin de continuer de se distraire. L’attention est alors assez faible. Il vaudrait mieux qu’ils essaient de se concentrer 10 à 15 minutes puis de faire une pause de 5 minutes et reprendre leur cycle d’attention. C’est une habitude à prendre pour apprendre à se concentrer et être efficace.
Comment développer son attention et sa concentration
L’erreur serait de penser qu’il est possible de trouver une attention et une concentration soutenues instantanément, presque sur un claquement de doigts. L’attention et la concentration se développent et demandent un certain travail régulier et réclame une certaine discipline.
Le problème est que le seul fait d’évoquer le mot « discipline » fait fuir de nombreux étudiants, car il évoque l’effort et la douleur. Tout ce que fuit le cerveau.
Comme l’explique Winifred Galagher [5] , l’astuce est de développer ses capacités d’attention et de concentration au quotidien par des petits exercices simples. Jusqu’à ce que cela devienne une habitude, une façon de penser.
Voici 8 petits exercices, proposés par le professeur de neuroscience William Klemm à l’université Texas A&M [6] . Vous n’êtes pas obligé de tous les réaliser. Ce serait même assez difficile. Mais prenez en 2 ou 3 que vous pratiquez au quotidien. Ce qui compte c’est la régularité.
1. Évaluez votre attention. Êtes-vous distrait ? Si c’est le cas, ayez l’honnêteté de l’admettre. Ne vous voilez pas la face. Partez de là où vous en êtes.
2. « carpe diem », vivez l’instant présent. Préoccupez-vous de l’ici et maintenant. Vous ne pouvez pas connaître l’avenir et vous ne pouvez pas refaire le passé. Prétendre contrôler votre futur, c’est le meilleur moyen de finir dans le stress. Comme vous avez pu vous en rendre compte, rien ne se passe comme prévu.
3. Remarquez les petites choses. Développez votre œil pour les détails : voir la forêt, mais aussi voir les arbres (et les feuilles, l’écorce, les insectes, les oiseaux, les écureuils et tout le reste). Ellen Langer, professeur de psychologie à l’université de Harvard [7] , suggère de regarder son doigt, par exemple. L’attention est cultivée dès que vous remarquez la saleté, la répartition des poils, la structure des plis de la peau, la forme des jointures et les caractéristiques de l’ongle (forme, couleur des points rapides, etc.). Vous pouvez faire cet exercice avec les objets du quotidien que vous rencontrez.
4. Remarquez les petits plaisirs de la vie. Cela vous apprend à vous concentrer et vous rend plus heureux. Ciblez des choses amusantes et offrant un renforcement positif. Détourner votre regard du négatif. Cela ne veut pas dire qu’il faille tomber dans un « positivisme naïf ». Simplement être particulièrement attentif à votre point de regard sur les choses. Vous avez le choix de la façon de considérer les choses.
5. Fixez-vous des objectifs de courts termes et suivez vos progrès. Gardez une trace de la façon dont vous atteignez vos objectifs et des ajustements nécessaires en cours de route.
6. Fermez les sources de distractions. Ne vous laissez pas distraire par des interruptions ou par l’esprit errant. Dans les concours de mémoire, certains candidats portent des bouchons d’oreille, d’autres portent des lunettes à œillères latérales. Certains, pour ne pas être distraits, font face à un mur blanc.
7. Éviter le multitâche. Quand on a beaucoup de choses à gérer, comme lorsque l’on est maman (où il faut gérer le quotidien des enfants, de la famille), on peut croire que c’est un gage d’efficacité. Peut-être dans certaines circonstances d’urgence. Mais le multitâche réduit la capacité d’apprentissage.
8. Apprenez à méditer. Le nombre d’exercices proposés sur internet est nombreux. Et les exercices sont assez simples.
Par exemple, voyez combien de temps vous pouvez rester concentré sur votre respiration et éloignez-vous de toutes les pensées importunes. Notez toutes les choses associées à la respiration, mais rien d’autre. Entendez le son de l’air en mouvement à chaque respiration. Sentez le pouls dans votre cou. Si vous ne le sentez pas, penchez-vous dans le cou ou allongez-vous dans votre dos ou entendez-le en tournant votre oreille en oreiller. Remarquez le rythme et le ralentissement progressif. Sentez vos vêtements changer de position et la tension sortir de vos muscles, d’abord dans la mâchoire, puis dans le dos et les jambes. La méditation n’apprend pas seulement à votre cerveau à se concentrer, elle a de nombreux effets bénéfiques qui ne sont plus à prouver, comme la réduction du stress et contribue à la tranquillité d’esprit.
Pour les parents, voici quelques conseils pour que votre enfant retrouve une meilleure attention dans la réalisation de son travail
1. Éviter le multitâche. Sauter d’une tâche à l’autre provoque la perte de tout élan. Entraînez votre enfant à aborder une chose à la fois, plutôt que de travailler sur plusieurs choses à la fois. Cela aidera votre enfant à se concentrer sur ce qu’il a devant lui plutôt que d’essayer de penser à trop de choses différentes en même temps.
2. Éviter les tâches trop importantes. Découper de grandes tâches en de petites tâches peut aider à améliorer la concentration en rendant les choses plus faciles à gérer. Essayer de prendre trop à la fois est voie royale vers l’ennui et la distraction. En décomposant les choses, votre enfant a une idée claire de ce qui doit être fait et un sentiment d’accomplissement une fois terminé. Ce sentiment d’accomplissement est un grand stimulant pour la motivation!
3. Créer une liste d’objectifs. Parfois, votre enfant a du mal à se concentrer, car il ne sait pas sur quoi se concentrer. Avant que votre enfant ne s’attèle à une tâche ou ne commence une session d’étude, créez avec lui une liste. Par exemple, si votre enfant est assis à une session d’étude, ses objectifs peuvent être de passer en revue et de créer des notes d’étude pour un chapitre ou un sujet.
Une fois que votre enfant a atteint ces objectifs, proposez-lui une pause pour lui permettre de se rafraîchir la tête avant de s’attaquer à une nouvelle tâche.
4. Un lieu rangé dédié aux devoirs et au travail de révision. Un espace désorganisé peut être une cause majeure de distraction pour votre enfant. Assurez-vous que votre enfant dispose d’un espace d’étude dédié, tel qu’un bureau ou une table, sur lequel travailler. Cet espace doit être dégagé et ne contenir que les éléments dont il a besoin pour cette session d’étude (comme son manuel, son cahier, ses outils d’étude et son matériel de prise de notes).
5. Créer une routine. De nombreux enfants réussissent mieux lorsqu’ils ont une routine à laquelle ils peuvent adhérer. Aidez votre enfant à créer un horaire quotidien comprenant du temps pour ses devoirs, ses pauses d’étude et toute autre activité. Le respect de cet horaire aidera votre enfant à se mettre dans une routine où il est prêt à s’asseoir et à se concentrer sur ses devoirs.
6. Planifier des pauses de travail. Faire des devoirs pendant des heures et des heures sans prendre un nombre nécessaire de pauses peut rapidement ramener l’attention de l’élève ou de l’enfant à zéro. Prévoyez des pauses de travail fréquentes, pour votre enfant afin de lui donner une chance de dépenser plus d’énergie et d’éviter de se sentir frustré ou dépassé.
Pour comprendre le processus de l’attention et de la concentration
Sommaire de la vidéo Pourquoi l’attention permet d’apprendre ? |
– 4 min 02 –
Sommaire de la vidéo Pourquoi le travail de l’inconscient est important ? |
– 4 min 57 –
[1] Drews, F. A., Pasupathi, M., & Strayer, D.L. (2008). « Passenger and cell phone Conversations in simulated driving« . Journal of Experimental Psychology, 14, 392-400.
[2] « The Truth About Texting and Talking While Driving Demonstrating the dangers of distracted driving to students« .
04, 2012 Ellen E. Pastorino Ph.D. https://www.psychologytoday.com/us/blog/get-psyched/201204/the-truth-about-texting-and-talking-while-driving
[3] « Recent News About Music Effects on Memory Resolving the question: does music help or hurt memorization ?«
Jan 01, 2016 William R. Klemm Ph.D. (porfesseur en neuroscience à l’université Texas A&M)
https://www.psychologytoday.com/us/blog/memory-medic/201601/recent-news-about-music-effects-memory
[4] Ferreri, L. Bigand, E., and Bugalska, A. (2015). « The positive effect of music on source memory. Musicae Scientiae ». 19 (4), 402-411.
[5] Winifred Galagher « Rapt: Attention and the Focused Life « .Edition Paperback mars 2010
[6] « 12 Ways to Improve Concentration The ability to focus is a habit of mind. »
William R. Klemm Ph.D. – 2011 : https://www.psychologytoday.com/us/blog/memory-medic/201102/12-ways-improve-concentration
[7] Interview de Ellen Langer « Ellen Langer’s state of mindfulness » https://news.harvard.edu/gazette/story/2018/10/ellen-langer-talks-mindfulness-health/
Je voulais dire intéressants
merci beaucoup Jean-François MICHEL pour vos articles que je trouve vraiment interagissants pour ma vie quotidienne et mes pratiques en classe tant qu’enseignante pour enfants.
merci bien
Bonjour,
Merci pour votre message.
Bien cordialement
Jean-François
Bonjour, Jean François !
Merci pour ce super article !
Effectivement, croire que réviser devant la télé ne fait pas perdre en efficacité est une utopie !
Je ne compte pas le nombre d’étudiants qui croient l’inverse et à qui je le répète encore et encore !
Au sujet des types de musique qui peuvent aider à la concentration, on peut mentionner les bruits marrons et les bruits roses, ou l’application gratuite « Sons de pluie ».
Ces « sons » permettent de créer une bulle qui nous isole des bruits du monde extérieur !
Ils lissent les perturbations sonores de l’environnement et nous aident à plonger notre esprit dans un état profond de concentration.
Au plaisir de vous lire 😉
Roman Buchta d’Hemispheres
Bonjour Roman,
Merci pour cette remarque.
Alain Lieury, le spécialiste français de la mémoire, avait indiqué que la musique qui ne perturbait pas la concentration est la musique sans parole. La musique la plus appropriée serait la musique classique, ou en tout cas une musique relaxante.